La musique dans le Mur…

Musique live à Beyrouth

Lara Mekkawi

Vers 8 heures un soir de semaine, une rue vide commence à se remplir. Tout le monde semble se connaître. Puis une corde de guitare sonne : c’est l’heure du réglage de la balance. On allume des cigarettes, les boissons commencent à arriver sur les tables. La rue se vide, tandis que le public écoute les réflexions de l’artiste à l’intérieur…

Dans cette ambiance calme, les visages semblent plus familiers, et je reconnais certains des habitués : Ziad, Marylin et Nour sont là. Zee est à l’intérieur en train de gratter sa guitare ; c’est par une nuit comme celle-ci que j’ai entendu Ramzi jouer pour la première fois, au même endroit, à la même heure. Rapidement, j’ai réalisé qu’il y avait quelque chose de spécial dans ce trou dans le mur

Le ”Hole in the Wall” (littéralement : “Le Trou dans le Mur”) de la rue Monot s’est établi comme une plaque tournante de la musique live à Beyrouth depuis cinq ans ; le lieu existe depuis près de 20 ans, servant de tremplin aux artistes, en leur donnant un espace pour développer leur talent. Marilyn Kasparian, Nour Nimri, et Ramzi Karkabi (« Zee ») sont trois noms bien établis de la scène de la musique live à Beyrouth aujourd’hui, et tous trois sont des habitués du « Hole ».

  • Marilyn Kasparian
    Photo : avec l’aimable autorisation de l’artiste

Tandis que nous sommes assis dehors sur une table bancale, Marilyn arrive avec un sourire rayonnant et m’étreint. Marilyn chante des reprises allant de l’acoustique au pop-rock and passant par la musique alternative et le rock indé, et elle prévoit de travailler sur ses propres morceaux. Je l’interroge sur la scène musicale live au Liban. Elle décrit un environnement au potentiel inexploité, des gens extraordinaires et des talents inouïs : « Chaque fois que je découvre un nouvel endroit, je sens que la concurrence est rude, parce que je suis entourée de gens qui ont plus à offrir que moi, mais en même temps c’est très agréable parce que nous sommes tous différents… Je connais plein de gens qui viennent me voir et ressentent la même chose. C’est une admiration sincère. »

Woman like a man (Reprise de Damien Rice)
Zee et Marilyn

Le « Hole in the Wall » est un des espaces qui a offert un tel soutien à Marilyn. Elle le décrit comme un endroit où elle peut se produire pour elle-même avant d’être un endroit pour le public, parce que les gens qui viennent la connaissent et veulent l’écouter : « Il y a cette connexion : les gens sont calmes tout le temps, mais ils vont toujours t’accompagner. Quand je termine une chanson, le public est toujours en train de chanter avec moi ; c’est tellement réconfortant. »

Elle mentionne un autre facteur important, le fait de se sentir respectée par les propriétaires et le personnel : « S’il y a quelque chose qui me met mal à l’aise, ils ne vont pas mettre en priorité ce que veut le public, parce ce qu’ils considèrent que le public est d’abord là pour accompagner les artistes ; c’est quelque chose que vous ne trouverez pas autre part. C’est beau, et c’est comme un deuxième chez-soi. C’est vraiment difficile de les quitter, et si tu l’as remarqué, il y a un vrai suivi au “Hole in the Wall” : des artistes comme Joy sont ici depuis cinq ans, Nour depuis trois ans, Ramzi et moi depuis deux ans. Ce n’est pas facile de quitter cette endroit ! Ce n’est pas un endroit entièrement orienté vers le consommateur : tout est fait pour que l’artiste se sente comme à la maison. »

Nour Nimri
Photo : avec l’aimable autorisation de l’artiste

À ce moment, Nour Nimri nous rejoint. Il vit de son art depuis quatre ans et se produit au « Hole » chaque samedi depuis 3 ans. Il décrit son implication comme « une heureuse coïncidence » : il jouait dans une salle en face, et en sortant il a entendu chanter depuis le « Hole » ; la curiosité l’a emporté et quand il est entré, il a découvert que le groupe qui jouait était très bon. Il est tombé sur quelques amis et on l’a invité à jouer une chanson. Le lendemain, Ziad, le gérant, l’a rappelé et lui a proposé de jouer régulièrement. Lentement mais sûrement, le concert du samedi soir de Nour est devenu une des soirées les plus animées du « Hole », remplissant régulièrement une rue qui serait déserte autrement. Nour décrit le « Hole in the Wall » comme l’un des principaux soutiens à sa musique, parce qu’il lui a permis de se constituer une large audience ; beaucoup de gens l’ont découvert, lui et sa musique, grâce à cet endroit. Nour sourit et explique : « C’est un petit endroit, mais il a un gros effet sur moi. C’est un des endroits où je préfère jouer. »

Mais comment a démarré « The Hole » ? Je me suis assise avec le propriétaire et gérant de l’endroit, Ziad. « The Hole in the Wall » a été créé par Kamal Aziz en 1999, qui a géré le bar pendant quatre ou cinq années alors que Ziad était étudiant et travaillait dans un club à proximité, et venait boire un verre et dîner au « Hole » avant le travail. Ziad est tombé amoureux du lieu et aimait répéter qu’un jour il achèterait l’endroit ! Ce jour est finalement arrivé, et Ziad est devenu le nouveau propriétaire. Il a largement conservé l’endroit en l’état, avec des DJs qui se produisaient à l’époque. La musique live a été introduite à partir de 2012, quand Bernard Najee a rejoint l’équipe. À cette époque, la vie nocturne de Beyrouth s’est déplacée de la rue Monot au quartier de Gemmayzé, et Ziad n’a pas pu la suivre. Il a donc dû trouver une idée originale pour maintenir l’intérêt de la clientèle : comme il fréquentait des musiciens, il leur a demandé de s’impliquer. La nouvelle scène s’est établie progressivement, d’abord avec un groupe, puis deux, et finalement un groupe chaque soir.

Reprise de Stay with me
Nour et Bernard

Même si la musique live chantée en anglais et en français s’est largement popularisée ces dernières années à Beyrouth, avec de nombreux restaurants et pubs qui proposent des concerts, il y a peu d’endroits comparables au « Hole ». Bien qu’il soit petit, il offre une bonne installation pour la musique acoustique, avec un sound system qui enrichit la musique. Nour insiste sur ce qu’il considère comme un des principaux problèmes de la musique live au Liban : « Il y a partout de la bonne musique, mais le problème est celui des lieux. Nous avons très peu de bons lieux pour la musique live. La plupart des endroits veulent proposer des concerts au public, mais ne sont pas équipés pour cela. Mais ils font de gros efforts et ces derniers temps la musique live est bien mieux respectée ; je suis heureux que ça arrive, parce qu’il y a encore deux ou trois ans, personne ne s’en souciait. Mais je pense qu’on a toujours besoin d’un endroit spécifique dédié aux artistes “underground” comme nous : nous ne sommes pas des superstars, nous ne passons pas à la télévision, nous jouons pour les gens, nous jouons la musique que nous aimons et nous n’avons pas beaucoup d’endroits pour le faire. »

Marilyn Kasparian & Ramzi Karkabi
Photo : avec l’aimable autorisation des artistes

En dehors du “Hole in the Wall”, Ramzi, Marilyn, and Nour conviennent du fait que “The Next Whiskey Bar” et “Lockstock” sont deux autres excellents endroits pour apprécier de la musique live. Et si vous êtes perdu, à la recherche d’un bon plan pour la soirée, le “Hole in the Wall” est toujours là pour vous accueillir.

  • Nour Nimri
    Photo : avec l’aimable autorisation de l’artiste

Vous pouvez suivre Zee, Nour etMarilyn sur leurs pages Youtube and SoundCloud :

Zee Karkabi :
https://www.youtube.com/channel/UCkchAWb18h5IW2rn574dA_g
https://soundcloud.com/zee-karkabi

Nour Nimri :
https://soundcloud.com/nournimri
https://www.youtube.com/channel/UCBQzB0eZjZEO1CXE-yjpT6w

Marilyn Kasparian :
https://soundcloud.com/kasparian
https://www.youtube.com/watch?v=M0ulcfGsnmo

The Hole in the Wall - Beyrouth :
https://www.facebook.com/holeinthewallbeirut/
https://www.youtube.com/channel/UCpfD5gKfm0qKi95wBt6wUFw

The Next Whiskey Bar - Beyrouth :
https://www.facebook.com/TheNextWhiskeyBar/

Lockstock - Beyrouth :
https://www.facebook.com/LockStockLebanon/